performance sonore de Martin Poncet en multidiffusion pour orgue enregistré, haut-parleurs et voix humaines.

Crédit image : Louison Valette
Performer : Martin Poncet
Durée modulable (de 15 à 45 min)
Installation in situ de 1 à x haut-parleurs

La performance repose sur des enregistrements d'orgue et de voix humaines réalisés en amont.
Elle nécessite essentiellement ma présence en tant que performer, équipé de mon ordinateur, de mon instrument midi et peut ainsi être jouée dans tout type d’espace (plus de détails ci-après).


Infos, dossier technique, diffusion : .

Une captation audio de la performance est accessible tout en cliquant ici

L’expérience sonore

Une célébration des différences

Vers l’harmonie est une performance sonore en multidiffusion pour orgue, haut-parleurs et voix humaines qui explore de façon poétique le mouvement perpétuel qui nous pousse à rechercher l’harmonie dans nos vies, et plus particulièrement la beauté des différences et des désaccords qui ne cessent d’émerger à l’intérieur de cette quête.

Il s’agit d’une expérience vibratoire contemplative et sensorielle, qui invite l’auditoire à ressentir et à écouter la formation de phénomènes acoustiques que l’on appelle des « battements ». Ces battements sont déclenchés par la présence et la confrontation dans l’espace sonore de petites différences entre certaines notes de musique, lorsque celles-ci sont identiques, mais très légèrement désaccordées.

La spatialisation dans l’espace de longues notes (autrement appelées « notes tenues » ou « bourdons ») jouées à l’orgue et mélangées à des voix humaines, façonne un doux voyage au travers d’un paysage sonore en perpétuelle fabrication. Le dispositif embarque délicatement l’auditoire du tout petit vers le très grand à travers la vibration physique de son propre corps.

Chaque représentation est unique, car l’adaptation in situ de la performance dans un lieu, la place de l’auditoire ainsi que l’interprétation en live par le performer façonnent une nouvelle circulation du son dans l’espace et une écoute inédite de ces fameux « battements ».

La partition de cette performance sonore peut la faire entrer dans la catégorie des musiques « drone », un genre musical minimaliste faisant essentiellement l’usage de bourdons.

Partition pour 36 jeux d'orgue et 11 hauts Parleurs. Crédit image : Martin Poncet
Photo de l’installation de mon instrument midi et de ma partition, au centre des spectateurices.

Le projet

L’harmonie comme une quête

Lors de mes recherches sur le concept de l’harmonie (dans sa définition la plus commune à savoir : « équilibre d’un ensemble »), je me suis rendu compte qu’il s’agit moins d’un état figé que d’un objectif à atteindre, un mouvement perpétuel vers un équilibre entre toutes choses. Car l’harmonie aussitôt atteinte est déjà souvent perdue…

Le concept d’harmonie est pluriel, on le retrouve aussi bien en musique qu’en philosophie, en mathématiques, en politique ou dans les religions. Il est intéressant de constater que la plupart des expériences de l’harmonie en tant que concept « pur » échouent si l’on n’accorde pas une place à l’imprévu et au conflit. L’accordage des instruments de musique est rempli de compromis tandis que celui des instruments politiques progresse par le conflit.

Nous pouvons considérer l’harmonie comme un possible, mais dont la base est imparfaite. Indissociable du chaos et à travers une puissante ambition d’équilibre, l’harmonie est un fleuve qui s’écoule, insaisissable et dont le présent est déjà passé. La révélation constante d’une précarité des êtres et de l’impermanence des choses comme moelle.

L’harmonie est humble.

La poésie des « battements »

Lors de mes recherches sonores, j'ai découvert l'existence de phénomènes acoustiques appelés : « battements ». Ces battements résultent de la confrontation entre deux notes de musique lorsque celles-ci sont quasiment identiques, mais très légèrement désaccordées.

Lorsqu'en vibrant dans un espace, les ondes de ces deux notes presque identiques se croisent, elles créent une nouvelle note audible par nos oreilles. Mais cette nouvelle note a un caractère très particulier : son volume varie de façon régulière, telle une vague sonore qui apparait et disparait à l’écoute. On appelle ces vagues sonores des « battements » (cliquez-ici pour entendre un exemple).

Plus les deux notes mélangées se ressemblent, plus les vagues sont lentes, semblables à des plaintes. À l'inverse, plus elles diffèrent, plus les battements sont rapides comme les trémolos d'un violon. Jusqu’à ce que la différence soit si grande que l’on entend deux notes bien distinctes.

Ces battements sont pour moi l’expression sonore et poétique de toutes les différences et les confrontations rencontrées durant notre quête de l’harmonie.

L’orgue : un instrument désaccordé

L’orgue est sûrement l’instrument le plus complexe et le plus monumental qui soit. La nature de ses sonorités et l’organisation de ses mécanismes en font un objet unique et très souvent gigantesque, à qui l’on attribue le titre de « Roi des instruments ». Parce qu’il combine plus de 2000 ans de science empirique et d'ingéniosité artisanale et qu’il est la somme de tout ce que l’on peut faire avec des instruments à vent, l’orgue est devenu le support poétique évident de cette performance, en l’écartant volontairement de son caractère liturgique.

En effet, l’orgue est capable de jouer plusieurs sonorités (ou timbres) autrement appelées « jeux d’orgue ». À titre d’exemple, l’orgue de la cathédrale de Forcalquier, qui est l’orgue qui a été enregistré pour la performance, peut jouer 36 jeux d’orgue différents et notamment imiter la trompette (celui du Grand orgue de Notre-Dame de Paris en possède 115 !).

Pour permettre à l’organiste de jouer avec toutes ces sonorités, l’orgue est constitué de beaucoup de tuyaux. Ceux que l’on voit habituellement en façade ne sont que la partie émergée de l’iceberg. Des milliers de tuyaux de différentes tailles se cachent à l’intérieur de sa carcasse (autrement appelée son « buffet »).

Enfin, tous les orgues - selon leur contexte de fabrication - ne sont pas accordés de la même façon, à la différence des pianos qui le sont par exemple (à savoir que chaque accordage est aussi appelé un « tempérament ». Celui des pianos est le « tempérament égal »).

C’est pourquoi, malgré un accordage minutieux de chaque tuyau, par la nature même de l’instrument, de son ampleur, de son « tempérament » ainsi que des propriétés acoustiques du lieu dans lequel il se trouve, lorsqu’on joue de l’orgue, l’instrument fabrique d’innombrables petites différences entre les notes jouées lorsqu’elles parviennent à nos oreilles, créant ainsi des « battements ».

L’orgue est devenu la matière première de cette performance, car sa complexité unique et hasardeuse fabrique de très nombreux « battements » et fait naître de l’instrument l’expression poétique idéale de cette quête de l’harmonie.

Les voix humaines

Si l’orgue est pour moi une métaphore poétique de notre quête de l’harmonie, il est difficile de ne pas penser à l’harmonie entre les êtres humains, à travers les rapports qu’ils entretiennent au quotidien et les systèmes qu’ils fabriquent pour essayer de vivre ensemble.

D’autre part, lors de mes recherches autour de l’orgue, au contact du facteur d’orgue Pascal Quoirin, j’ai appris que lorsqu’un tuyau produit un son, on dit qu'il « parle », et que selon sa fabrication, il utilise sa « bouche » ou sa « hanche ».

J’ai même découvert qu’un certain jeu d’orgue est appelé « Voix humaine » du fait de ses sonorités !

Ainsi, la potentialité d’une relation poétique entre l’orgue et l’être humain est si évidente que j’ai décidé d’intégrer de la voix et du chant dans la performance.

Pour ce faire, j’ai enregistré de nombreuses personnes, parfois de parfaites inconnues, chez elles, parfois dans la rue et de façon impromptue. Chaque personne chante fièrement ou timidement une « note tenue » que l’on mélangera avec celles de l’orgue pendant la performance.

L’apparition dans la performance de la voix et de ce nouveau « timbre » élargit la puissance vibratoire et poétique de l’orgue par la conscience émue d’une présence humaine, timide et fragile, qui voudrait participer à cette quête de l’harmonie et à la fabrication de nouveaux « battements ».

La spatialisation : une performance in situ

Enfin, le choix de la spatialisation à travers plusieurs haut-parleurs placés dans l’espace lors de la performance revêt un caractère poétique et physique.

En effet, l’architecture du lieu influence sur la circulation du son, favorisant la formation de « battements » uniques pour chaque personne présente dans l’espace. Tourner simplement la tête pendant la performance suffit à transformer l’expression de ces phénomènes acoustiques à nos oreilles.

Ainsi, la spatialisation est une façon de rencontrer un lieu, c’est-à-dire de bâtir avec lui une exploration des « battements » et d’offrir à chaque représentation une performance unique.

Cette dernière peut ainsi être jouée dans n’importe quel lieu et n’importe quel espace, quelque soit sa taille, sa fonction d’origine et le nombre de haut-parleurs que l’on souhaite y installer.


« Et une autre fois que le fleuve, gonflé par l’eau des pluies, faisait entendre son puissant rugissement, Siddharta lui dit : ‘N’est-ce pas, mon ami, que le fleuve a beaucoup, beaucoup de voix ? N’a-t-il pas la voix d’un souverain et celle d’un guerrier, celle d’un taureau et celle d’un oiseau de nuit, celle d’une femme en couches et celle d’un être qui soupire, et mille autres voix encore ?’ »
« Le fleuve chantait d’une voix plaintive, il chantait vers une chose ardemment désirée, il coulait, attiré vers son but, et le son de sa voix ressemblait à une plainte. »

HERMANN HESSE, Siddhartha

Comment se déroule la performance ?

Le principe de la performance est de fabriquer une lente et progressive ascension musicale et sonore par le biais de nombreuses superpositions de « notes tenues » préalablement enregistrées à l’orgue ainsi qu’avec des voix humaines. Grâce au mélanges des sonorités et à leurs confrontations dans l’espace, des « battements » apparaissent à l’oreille de l’auditoire.

Les vibrations de ces « battements » sont perceptibles par l’oreille mais aussi dans le corps où résonnent certaines fréquences basses.

Sa durée est durée variable (généralement entre 10 et 30 min selon le contexte).

La performance commence dans le silence et se termine dans un gigantesque paysage sonore et musical composé de 36 jeux d’orgue et de nombreuses voix humaines. Tous ces sons d’orgue ont été enregistrés avec l’orgue de la cathédrale de Forcalquier.

En tant que performer visible du public et grâce à un petit instrument composé essentiellement de 32 boutons rotateurs (photo ci-dessous), je fais lentement et progressivement apparaitre chaque jeu d’orgue en faisant varier leur volume. Je suis une partition écrite, visible de l’auditoire, que je mêle également à de l’improvisation selon comment les résonances du son répondent à l’espace.

Aucun écran, aucune console de mixage ne sont visibles du public. Seuls ce petit instrument et ses 32 potentiomètres constituent mon espace de jeu, favorisant le mystère et la concentration de l’auditoire vers une écoute active et contemplative des phénomènes sonores, plutôt que sur la complexité d’une installation technique.

Nous pouvons choisir d’assoir ou d’allonger le public au centre de l’espace de diffusion ou de lui permettre de se déplacer librement. Il n’a plus qu’à se délecter de ces vagues sonores et vibratoires aux variations infinies.

Crédit image : Louison Valette

Captation

Vous pouvez écouter une captation de la performance en cliquant ici 

(durée : 16min)

La pleine expérience des « battements » se fait par la résonance des sons dans un espace et grâce à la spatialisation, néanmoins, il est possible d’en percevoir certains par le biais de cette captation stéréo. 

Bien qu’il ne soit pas nécessaire d’écouter l’entièreté de la performance, la perception de ces « battements » se fait au travers d’une écoute continue et active. Je vous conseille d’écouter un extrait vers 7 min puis vers 12min. Choisissez ainsi un endroit calme, prenez un casque ou de bons écouteurs et laissez-vous porter.

photo de Martin Poncet pendant les réglages de la performance. Crédit image : Martin Poncet